25 février 2014

La 37ème heure - Jodi Compton


Publié en 2008, "La 37ème heure" est le premier roman de l'écrivaine américaine Jodi Compton. 
Il est suivi de "Les jeux sont faits", second tome consacré aux enquêtes de l'inspecteur Sarah Pribek.

De retour de sa visite chez Geneviève, amie et ancienne co-équipière qui ne parvient pas à se remettre de l'assassinat de sa fille, Sarah manque de peu son mari Shiloh, qu'elle pense parti à une formation de quatre mois au FBI.
Mais au bout de 36 heures sans nouvelles, Sarah apprend que Shiloh n'est jamais arrivé à destination et découvre sa valise sous leur lit.
Spécialisée dans les affaires de disparitions, la jeune épouse enfile sa casquette de flic pour retrouver son mari...

Sarah aimerait pouvoir compter sur l'aide de Geneviève dans son enquête mais son amie reste plongée dans son mutisme, obsédée par l'assassin présumé de sa fille, relâché faute de preuves et qu'elle fait surveiller.
C'est donc seule que Sarah quitte Minneapolis pour se rendre en Utah et rencontrer la famille de Shiloh avec laquelle il n'a pour ainsi dire plus de contacts depuis plusieurs années.
Bien que mariés depuis deux mois à peine, Sarah et Shiloh se fréquentent depuis 5 ans mais il ne s'est jamais montré très loquace concernant les raisons qui l'ont poussé à quitter l'Utah.
Au fil de son enquête, Sarah va réaliser combien son mari a omis de lui raconter certains pans de sa vie.
Epouse, flic, les deux personnages se confondent grâce à l'habileté de l'auteure à jouer en permanence sur les deux tableaux, entre les entretiens menés par Sarah et les nombreuses interrogations posées à elle-même.
Même si elle s'inquiète pour Shiloh, elle est une femme forte qui ne cède pas à la panique tout en ayant quelques faiblesses qui la rendent attachante.

J'ai essayé de lire ce premier tome en gardant en tête que certains éléments jetés entre la poire et la fromage (je pense notamment à la révélation dans le rêve de Sarah pour ceux qui ont lu le livre) sont probablement développés dans le second tome ou le seront à un moment ou un autre.
Jodi Compton semble aimer mettre son lecteur sur de fausses pistes en appuyant sur l'un ou l'autre fait troublant.
Je dois dire que l'intrigue de ce roman est bien menée et que le dénouement m'a surprise. J'ai aimé le personnage de Sarah bien que dans le fond je ne lui ai rien trouvé de bien original (les flics ont quand même toujours les mêmes vices...).
Sans crier au chef d'oeuvre, je peux dire que ce roman policier d'un genre plutôt classique m'a fait passer un bon moment.

Merci aux Editions des Deux Terres de m'avoir proposé cet ebook.


                                                    

12 février 2014

Presque - Manu Larcenet



Initialement publié en 1998 et réédité plusieurs fois depuis, "Presque" est un album écrit et mis en images par Manu Larcenet, notamment connu pour ses séries "Blast" et "Le combat ordinaire".

Un soir de mars 1998, l'auteur décide de revenir sur une période très sombre de sa vie qui l'a particulièrement marqué : le service militaire.
En juin 1991, Manu Larcenet intègre l'armée française où il est affecté à la section disciplinaire.
Embarqué dans ce système déstabilisant et lourdement sévère, principalement axé sur les récriminations et les sanctions, le jeune soldat n'a d'autre choix que de marcher au pas, impuissant dans cet interminable enfer.
Au bout de deux mois d'instruction, les jeunes recrues sont envoyées sur une base américaine désaffectée pour une simulation de 6 jours en conditions de guerre.
C'est le dernier jour, alors qu'il patrouille avec son seul ami Marco, que Manu Larcenet va assister à un événement qu'il n'oubliera sans doute jamais.


Dans la "note explicative à l'usage des jeunes lecteurs" qui tient lieu de postface, l'auteur confesse qu'une fois cet album terminé, il ne l'a plus jamais relu.
Je n'ai pas vraiment été étonnée de cette révélation qui pour le coup m'a fourni une explication au malaise ressenti durant la lecture de cet album.
Tout du long, j'ai connu cette impression désagréable d'arracher des confidences à un ami qui n'aurait pas forcément envie de me parler.
Les dessins en noir et blanc de "Presque", toutes ces apparitions fantomatiques et cauchemardesques m'ont davantage fait penser à un premier jet fait d'esquisses, de croquis balancés sur le papier, qu'à des dessins "finis".
C'est comme si l'auteur s'adressait à moi en ces termes : "Je te le montre une fois en vitesse mais après on y revient plus ok ?"
Autant vous dire que cet album, vu ses thèmes (solitude, peur, perte de repères, violence, injustice), est dépourvu de l'humour que l'on connaît habituellement à l'auteur.
J'ai particulièrement été marquée par les passages où exténué, il tente de faire comprendre à sa mère à quel point il est mal alors qu'elle fait la sourde oreille.
"Presque", en dépit de son sujet, est un témoignage dénué de jugement ou de colère et qui s'achève sur une note des plus amères.
A la fin de l'ouvrage, l'auteur se déprécie en qualifiant son album de médiocre.
Je n'irais pas jusque là, même si je dois avouer que si il m'a émue, cet album ne m'a pas non plus bouleversée comme je m'y attendais, principalement à cause de ce malaise ressenti du début à la fin.
Une question subsiste dans mon esprit : Manu Larcenet a-t-il réalisé cet album pour se libérer de ses démons ? Y est-il "presque" parvenu ?



Quatrième participation à la bd du mercredi chez Mango

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9 février 2014

En cas de forte chaleur - Maggie O'Farrell


Publié en 2013 et disponible en français depuis le 8 janvier dernier, "En cas de forte chaleur" est le dernier roman de l'écrivaine irlandaise Maggie O'Farrell, notamment auteure de "L'étrange disparition d'Esme Lennox", "Quand tu es parti" ou "Cette main qui a pris la mienne".

" Gretta n'arrive pas à croire que cette époque puisse être révolue. Pour elle, c'est encore d'actualité, ça le sera toujours. Ses trois enfants ont déposé quelque chose de leur vie dans les briques, le ciment et le plâtre de cette maison.
Elle ne parvient pas à croire qu'ils sont partis. Et qu'ils sont revenus.
Quant à l'absence de Robert, Gretta n'est même pas capable de la concevoir. Elle a tellement l'habitude de l'avoir près d'elle qu'elle n'accepte pas l'idée de sa disparition.
Un peu plus et elle lui parlerait ; ce matin, elle a descendu deux tasses de l'étagère.
Ils sont restés tant d'années ensemble qu'ils ne sont plus deux personnes distinctes mais une étrange créature à quatre jambes.
Pour elle, leur mariage est synonyme de conversation : elle aime parler, il aime écouter.
Sans lui, elle n'a personne à qui adresser ses remarques, ses observations, ses commentaires incessants sur la vie en général.
(...) Le flot des paroles non prononcées, non écoutées, lui comprime les tempes." p.199

Un matin de 1976 à Londres, Robert Riordan quitte la maison comme à son habitude pour aller chercher son journal.
Mais au bout de plusieurs heures, s'inquiétant de ne pas le voir revenir, sa femme Gretta appelle ses trois enfants afin que ceux-ci l'aident à le retrouver.
Voir toute la famille réunie est devenue chose rare chez les Riordan. Aoiffe, la cadette, est partie vivre à New-York du jour au lendemain et ne donne que rarement de ses nouvelles. Assistante de photographe, elle aime Gabe, un draft-dodger (autrement dit un insoumis ayant refusé de participer à la Guerre du Vietnam) sans toutefois parvenir à lui confier ce secret qui la pèse depuis toujours.
Pour une raison que tous ignorent, Aoiffe et Monica, l'aînée, ne se s'adressent plus la parole.
Quittée par son mari pour une mystérieuse raison, Monica est femme au foyer et vit dans une vieille maison avec son second mari antiquaire et père de deux enfants issus d'un premier mariage.
Monica a du mal à assumer son rôle de belle-mère comme à vivre dans une maison à laquelle elle ne peut rien toucher. Comme j'ai détesté ce personnage hautain (et la fin n'y change rien !)
Père de deux enfants, leur frère Michael Francis est professeur d'histoire dans un lycée et vit une période de crise avec sa femme Claire qui semble faire sa vie de son côté.
Malgré l'ambiance pesante qui règne entre eux et l'attitude étrange de Gretta, tous se lancent à la trace de Robert, aperçu par des cousins sur l'île d'Omey.
C'est là-bas, dans cette Irlande de leur enfance, qu'ils espèrent retrouver Robert et peut-être les réponses à leurs propres questions...

Les premières lignes donnent directement le ton. Nous sommes en 1976 et l'Angleterre (tout comme le reste de l'Europe) est traversée par une vague de chaleur sans précédents.
Le gouvernement a du prendre des mesures afin de limiter l'utilisation de l'eau. Des extraits de la loi votée par le Parlement servent d'ailleurs d'introduction aux différents chapitres.
Notons que la canicule de 1976 a bel et bien existé.
L'intrigue se déploie sur quatre jours, quatre jours durant lesquels Monica, Aoiffe et Michael Francis vont redécouvrir leur mère, femme robuste d'ordinaire mais à présent vulnérable.
Quatre jours durant lesquels tous basculent sans cesse entre le monde adulte et les souvenirs, revivent ensemble, se mêlent de la vie des uns et des autres, évacuent la colère enfouie, les non-dits et la frustration vécue au quotidien.
Car au-delà de la recherche de Robert, un père dont finalement ils ne connaissent pas grand chose, chacun a des choses à régler dans sa vie et des décisions à prendre.
Aussi, la disparition de Robert est-elle surtout un prétexte à la communication, aux interactions et à la résolution de conflits trop longtemps esquivés.
C'est là la force indéniable de ce roman : la complexité de ses personnages et de leurs relations à eux-mêmes et aux autres.
Sauf à certains moments, l'ambiance n'est pas électrique mais pesante, à l'image de cette canicule qui semble ne jamais vouloir finir.
L'auteure sait très bien distiller les secrets, les lâchetés et les faiblesses de chacun tout au long du roman, le tout sur fond de moeurs irlandaises (pas vraiment appréciées en Angleterre d'ailleurs).
Oscillant souvent entre passé et présent, la narration reste toutefois très fluide et parfaitement maîtrisée d'un bout à l'autre.
Bien que j'aie été davantage émue par "L'étrange disparition d'Annie Esme Lennox" de par son terrible sujet, j'ai vraiment apprécié "En cas de forte chaleur" et me réjouis d'avoir encore d'autres romans de Maggie O'Farrell à découvrir dans ma bibliothèque.

D'autres avis : Mango - Clara

Je remercie Babelio de m'avoir envoyé ce roman dans le cadre de son opération spéciale Masse Critique !




5 février 2014

One Model Nation - Courtney Taylor Taylor & Jim Rugg


Publié aux USA en 2009 et traduit une première fois en français en 2011, "One Model Nation" est à nouveau disponible en librairie depuis le 16 janvier.
Cet album est né d'une collaboration entre les américains Courtney Taylor-Taylor - chanteur des Dandy Warhols - et Jim Rugg, célèbre illustrateur.

Berlin, 1977. Sebastian, Karl, Ralf et Wolfgang forment les "One Model Nation", un jeune groupe rock apolitique et qui pourtant souffre du rapprochement avec la Fraction Armée Rouge menée par Andreas Baader.
Forcés de donner des concerts illégaux et constamment traqués par la police, les "One Model Nation" tentent néanmoins de se faire une place dans le milieu artistique.



Si "One Model Nation" est un groupe fictif créé pour les besoins de l'album, Andreas Baader a quant à lui bel et bien existé.
Peut-être le nom de "la bande à Baader" vous est-il familier ?
Cet album prend justement place au coeur de cette Allemagne frappée par les agissements de ce groupe terroriste d'extrême gauche, responsable de nombreux attentats entre 1968 et 1998.


Autant vous le dire tout de suite, "One Model Nation" n'a pas vocation d'établir un historique précis des "années de plomb" et d'énoncer les revendications de la Fraction Armée Rouge (l'une des postfaces le précise d'ailleurs).
Certains lecteurs pointeront donc peut-être un manque de contextualisation mais pour ma part, j'ai trouvé le climat de répression et de tension sociale et politique suffisamment bien établi.
Lancés dans une véritable chasse aux sorcières, les services de police répondent à la violence par la violence et procèdent à des arrestations arbitraires, chaque jeune étant assimilé de facto à un terroriste.
Le studio des "One Model Nation" est saccagé, leur présence est dénoncée par une voisine, le patron d'un club qui voulait les lancer se fait arrêter. Et les médias ne font que relayer une étiquette de terroriste qu'il leur colle à la peau. Il est clair que tout le monde s'acharne à leur mettre des bâtons dans les roues et la situation ne s'arrange pas lorsqu'ils sont arrêtés en même temps qu'Andreas Baader.

Bien que l'album forme un tout cohérent, j'avoue avoir davantage préféré les illustrations au scénario. L'intrigue comprend relativement peu de rebondissements, au point que "One Model Nation" m'a surtout fait l'effet d'un album d'ambiance, destiné à représenter une certaine tranche de l'histoire allemande et son impact sur les jeunes et les artistes.
J'ai été séduite par les dessins de Jim Rugg dont les couleurs oscillent entre noir et blanc et rouge orangé et qui rappellent le graphisme des comics américains des années 70 (notamment les fameuses explosions ^^).
Avis aux amateurs :)
 


Je remercie Benjamin et les éditions Naïve de m'avoir envoyé cet album !

Troisième participation à la bd du mercredi chez Mango

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